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Au-delà de la Silicon Valley: Pourquoi les entrepreneurs de la tech devraient regarder vers l'est

L’initiative gouvernementale “ Smart Nation ” de Singapour offre de nombreuses opportunités aux startups pour tester et valider leurs produits.

Christopher Quek, Directeur associé de TRIVE Ventures, un fonds de capital-risque pour start-ups en phase de démarrage, spécialisé dans la deep tech et ciblant l'Asie du Sud-Est, partage sa vision de la scène digitale en pleine croissance en Asie du Sud-Est, et explique pourquoi Singapour est l’endroit idéal pour saisir ces opportunités. 
 

La Silicon Valley est le QG et berceau de nombreuses startups technologiques de premier plan. Les géants de la technologie comme Google, Facebook, Uber, Apple, Airbnb et Netflix y ont fait leurs humbles débuts, et les produits qu'ils ont lancés sont devenus omniprésents dans la vie quotidienne, partout dans le monde. 
 
J'ai donc été surpris de constater, lors de mon dernier voyage dans la Silicon Valley en début d'année, que les personnes rencontrées brossaient un tableau assez différent de ces perspectives. 


La première était un responsable des ventes aux États-Unis pour une société internationale dans l’“Edutech”. Il m'a expliqué que la croissance de son marché domestique connaissait un ralentissement sensible. En parallèle, les données remontées par son équipe de recherche montraient un déplacement progressif de la demande vers l'Asie en général, et il souhaitait comprendre comment son entreprise pourrait construire des partenariats plus approfondis en Asie pour y exploiter les opportunités. 


Une femme, installée aux États-Unis depuis 30 ans et en poste à présent  dans un incubateur à San Francisco, évoquait la hausse des coûts commerciaux et de la vie quotidienne pour les entreprises et leurs employés, et le fait que les entreprises cherchaient des alternatives plus durables, dans d'autres villes américaines plus éloignées, comme Boulder, Colorado et Austin, Texas. 


Une associée au sein d’un VC international, dépassant les 500 millions US$ (680 millions de dollars singapouriens) d'investissement dans le monde, évoque un sentiment général de saturation dans le paysage des startups américaines, où il est devenu de plus en plus difficile pour les VC d'accéder à un flux de transactions de premier ordre, alors qu’il y en davantage sur d'autres marchés en développement.  

 

Christopher Quek, Directeur associé chez TRIVE Ventures. TRIVE a conseillé plus de 800 fondateurs de startups et a soutenu plus de 80 startups dans divers domaines technologiques.

Une vallée saturée

Malgré ces anecdotes que j'entends, la Silicon Valley reste le premier écosystème mondial de startups et le moteur de l'innovation mondiale, avec un solide palmarès de succès. Son ouverture aux talents internationaux est inégalée - 50% des startups sont dirigées par des étrangers - et cet écosystème reste le lieu de toutes les opportunités pour les futurs entrepreneurs.

Mais si l'on grattesous la surface, on remarque que cette image est en train de changer lentement. Le rapport de 2019 sur l'Ecosystème du génome des startups décrit les écosystèmes « Next 30 » les plus vibrants qui connaissent une croissance rapide – et un peu plus de la moitié d'entre eux sont dispersés en Asie-Pacifique et en Europe, plutôt qu'en Amérique du Nord. Par ailleurs, pour la première fois, le même rapport classe Pékin parmi les trois principaux écosystèmes mondiaux, aux côtés de New York et de la Silicon Valley.

Sepose par conséquent la question suivante: combien de temps encore pouvons-nous miser sur la Silicon Valley comme moteur de la croissance mondiale des startups?


Une Asie du Sud-Est en plein essor

Au cours de la dernière décennie, à la tête de TRIVE Ventures, un fonds de capital-risque finançant le démarrage d'activité de startups Sud-Est asiatiques, j'ai prêché en faveur de l'écosystème des startups à Singapour et en Asie du Sud-Est. TRIVE gère également des ressources de cet écosystème: un accélérateur de blockchain, des écoles de codage à Singapour et au Vietnam, et un incubateur “pay-it-forward" (redonnez au suivant).

 

Une session de formation avec des codeurs vietnamiens à l'école de codage dirigée par TRIVE, à Ho Chi Minh Ville, Vietnam.

Je voyage régulièrement dans la région pour mon travail, et mes interactions avec les différents écosystèmes de startups m’enthousiasment vraiment pour l’avenir de l’Asie du Sud-Est. Le dynamisme de la scène des startups régionales est de bonne augure pour l’avenir.

L'Asie du Sud-Est abrite une population d'environ 640 millions d'habitants, ce qui représente un marché plus grand que l'Amérique du Nord ou l'Union européenne. De plus, c’est une population jeune, avec 50% de moins de 30 ans!

Le niveau des infrastructures numériques de la région est désormais bien supérieur à ce qu'il était il y a quelques années. L'accès internet peu fiable appartient au passé. La pénétration d'internet et des mobiles augmente à un rythme exponentiel. La billetterie en ligne, les paiements électroniques et les transports à la demande sont quelques exemples de services numériques qui ont pris leur envol dans les grandes villes d'Asie du Sud-Est. Le commerce électronique de la région devrait atteindre 108 milliards US$ d'ici 2025, selon le rapport Temasek-Google.

Mais ce qui me rend vraiment optimiste à propos de l'Asie du Sud-Est, c’est le rassemblement de personnes ici. J'ai vu se multiplier  les espaces de coworking à travers toute l'Asie du Sud-Est, où les entrepreneurs - depuis de petites équipes de deux personnes jusqu’aux entreprises de dizaines d'employés - se réunissent pour travailler ensemble sur des solutions technologiques en réponse à des problèmes locaux et régionaux.

Il y a à peine cinq ans, ces entrepreneurs auraient été majoritairement des locaux. Mais maintenant, je vois plein de talents internationaux s'établir dans la région: les Russes et les Ukrainiens en Thaïlande; les Asiatiques continentaux, les Canadiens et les Américains en Malaisie; et les Coréens et les Chinois au Vietnam. L'Indonésie accueille des entrepreneurs singapouriens et malaisiens. À Singapour, vous avez un véritable mélange international, car de nombreux entrepreneurs étaient au départ des salariés dans le pays, de sociétés multinationales.

Ce fut un privilège que de pouvoir observer ce mélange de personnes différentes et talentueuses, partageant des idées sur les affaires, lors de concours et de levées de fonds, et animées par la passion évidente de répondre aux besoins locaux et régionaux. Au cours des dernières années, pas moins de 10 licornes ont émergé de l'écosystème des startups en Asie du Sud-Est, et je pense que ce n'est que le début.

 

Christopher (à l'extrême gauche) animant une table ronde à Echelon 2019. Les événements technologiques comme Echelon ont augmenté en nombre au fil des ans, signe de l’expansion de la scène technologique régionale.

 

Démarrer de Singapour

L'Asie du Sud-Est dans son ensemble pourrait être un énorme marché, mais elle comprend dix pays très différents avec des traditions culturelles, religieuses et historiques différentes. Même quelque chose d'aussi simple que les micro-entreprises (qui constituent l'essentiel des économies d'Asie du Sud-Est) se présente sous diverses formes: les warungs indonésiens, les sari-sari des Philippines, les communautés hem du Vietnam, les mamak - étals de rue - de Malaisie et les magasins de proximité de Thaïlande. Les langues, la pratique des affaires et les politiques gouvernementales façonnent le comportement des entreprises et des consommateurs à des degrés divers.

Je dis généralement aux nouveaux venus en Asie du Sud-Est de ne pas se sentir intimidés. Il existe un moyen plus simple d'accéder au potentiel de croissance de la région - via Singapour. Réfléchissez un instant: la première décacorne d'Asie du Sud-Est, Grab, a construit son siège régional à Singapour, bien qu’ayant démarré en Malaisie sous le nom de MyTeksi. Pourquoi?

L'une des principales raisons est qu'il est vraiment facile de faire des affaires à Singapour. La Banque mondiale classe Singapour au deuxième rang mondial (et au premier rang en Asie) pour la facilité des affaires.

Par exemple, certaines sociétés de capital-risque (VC) et de capital-investissement (PE), avec lesquels j'ai parlé,  trouvent que les politiques encadrant les structures de portefeuille d'investissements y sont claires et simples. La modification ou l'ajout de clauses pour leurs investissements implique des processus simples, qui peuvent être effectués en un peu plus d'un jour. En conséquence, ils préfèrent investir dans une holding  d'investissement à Singapour, qui détient des entités opérationnelles régionales en tant que filiales. Il n'est donc pas étonnant que Singapour domine la scène régionale des collectes de fonds de VC / PE, avec plus de 78% des transactions.

Une autre raison clé est que Singapour offre d'excellentes possibilités en matière de talents. Patrick Collison, PDG de Stripe, a récemment  partagé sa vision au Singapore Tech Forum de San Francisco, évoquant le fait que Singapour était l'un des trois pays au monde ayant un afflux net de personnes productrices de brevets - un exploit dû, bien sûr, à l'ouverture du pays aux talents étrangers. Le rapport de 2019 sur l'Ecosystème du génome des startups a également attribué une note élevée à Singapour pour la qualité de son écosystème et le coût des talents de la tech, ainsi que pour son accès à ces talents.

Un de mes amis de Bangalore, qui dirige une société d'intelligence artificielle dans la Fintech, a choisi d'installer son siège à Singapour plutôt que dans sa ville natale. Il m'a confié que, malgré le plus grand nombre de techniciens disponibles en Inde, le vivier de talents de Singapour comptait davantage de développeurs seniors de qualité, dotés d’un esprit tourné vers l’international, et attirés par les rémunérations attractives et la qualité de vie du pays.

Suivant ma propre analyse de la région, Singapour possède le vivier de talents le plus avancé en matière de technologies et de compétences de pointe, et beaucoup connaissent les technologies avancées et les langages de programmation pionniers. Et il faut une base à Singapour pour accéder à ces talents.

De Singapour vers l'Asie du Sud-Est

Une fois que vous êtes installé à Singapour, le pays offre également des conditions idéales pour tester votre adoption commerciale et technologique avant de vous lancer dans la région.

L’initiative gouvernementale “ Smart Nation ” de Singapour offre de nombreuses opportunités aux startups pour tester et valider leurs produits grâce au principe de “ bac à sable “ (“sandboxing”). Les laboratoires de test de l'île aident les startups à commercialiser leurs produits. Les entreprises sont libres d'accéder à la base de données nationale des propriétés intellectuelles prêtes à être commercialisées, via IPI Singapore, un organisme gouvernemental qui soutient le développement des entreprises grâce à la technologie et à l'innovation. Les startups peuvent également tirer parti de plus de 50 accélérateurs et incubateurs, soit ouverts soit internes aux entreprise, avec une variété de programmes, sectoriels ou axés sur un marché, pour les aider à pénétrer le marché régional.

La connectivité régionale est également excellente, avec de grandes villes comme Hô Chi Minh-Ville, Jakarta, Kuala Lumpur et Bangkok à moins de 2 heures et demi de l'île. Je profite souvent de la connectivité pour faire des voyages d’un à deux jours dans les centres régionaux pour les affaires, et il est très facile de faire des réservations de vol à la dernière minute vers et depuis Singapour.

Un autre avantage de la connectivité, qui est parfois négligé, est la facilité de déplacement dans la ville de Singapour elle-même. Grace a l'excellent réseau de transport disponible, il est tout à fait réaliste de planifier et d’effectuer six à sept réunions par jour, contrairement à d'autres villes de la région luttant contre la congestion. Tous ces facteurs font de Singapour l'endroit idéal pour commencer vos plans d'expansion régionale.

S'aventurer au-delà de la Silicon Valley

Au cours de la dernière décennie, avec plus d'un millier de startups conseillées dans la région, je suis devenu très familier avec Singapour et l'Asie du Sud-Est. Je confirme qu'il y a beaucoup de gens intelligents, motivés et dynamiques ici, mais aussi une base de consommateurs jeune et avertie numériquement, favorable à la disruption positive que la technologie apportera - la combinaison parfaite pour les entrepreneurs prêts à s'aventurer au-delà la Silicon Valley.

Aux nombreux entrepreneurs de la tech, les yeux rivés sur la Silicon Valley, je dirais : jetez un coup d’œil plus loin. Établissez une forte présence en Asie du Sud-Est, non seulement en envoyant vos équipes commerciales et marketing, mais également vos équipes produits, afin de les rapprocher des marchés en croissance et les aider à saisir les vrais besoins clients. Des entreprises de premier plan comme Facebook et Stripe ont toutes, leurs équipes produits basées à Singapour. Et Google n'en a pas une, mais quatre.

 Une région émergente de 640 millions de personnes attend de nouveaux produits. A bientôt à Singapour.

 

Article traduit en français par la French Chamber of Commerce in Singapore.  Retrouver l’article original sur le site de l’EDB.

 

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